Les 10 conséquences
Les 10 conséquences du comportement plagieur
Publication lettre 58 - 25.10.2014
Ce texte est repris et adapté de notre article Ouverture, Culture & Sociétés, N° 28, 2013, pp. 18-22
Ce n’est pas dans une logique de la cause qu’il nous faut considérer ce plagiat, mais dans une logique de la conséquence. Notre responsabilité – au sens de Hans Jonas – nous appelle à nous interroger ainsi : Quelles sont les conséquences d’un comportement plagieur pour l'avenir de notre société du savoir menacée ?
1 • Le plagiat est un vol de la création originale
Plagier revient à faire disparaître l’auteur d’origine aux yeux de sa communauté. Il ne s’agit pas d’une appropriation de l’oeuvre, mais de la paternité de l’oeuvre. Se sentir ainsi symboliquement tué peut être dévastateur. Et, même si personne de sa communauté ne conteste qu’une personne soit le créateur de l’œuvre, la sensation de viol du plagié est naturelle, s’agissant du vol d’une œuvre de l’esprit, donc unique : c’est une atteinte grave aux droits de la personnalité. Rappelons que les droits de la personnalité sont intransmissibles. Donc, la violation de ces droits exigerait une réparation adéquate - en nature et en degré - que le législateur est bien en peine de déterminer et de fournir.
2 • Les comportements plagieurs portent atteinte au droit ultérieur de(s) auteur(s) de publier le résultat de leurs travaux
Lorsque le plagiat se produit sur une œuvre publiée, les dommages restent limités, la victime pouvant faire valoir ses droits. Mais, quand il s’agit de jeunes auteurs qui ont commis l’erreur de présenter des résultats préliminaires lors de conférences ou avec des coauteurs indélicats, il en est autrement. Plus grave encore : certains lecteurs de revues scientifiques n’hésitent pas à emprunter les idées d’articles en révision soumis à leur analyse...
3 • Le plagieur s’inscrit en faux vis-à-vis du droit fondamental du lecteur à accéder à l’origine des sources de la connaissance
Nous devons citer nos sources pour permettre à tout nouveau chercheur de se pencher, à son tour, sur nos données de base (quelle qu’en soit la nature), de conduire sa propre analyse, d’émettre de nouvelles hypothèses, de découvrir le « cygne noir » que nous n’avions pas vu parmi les « cygnes blancs » de notre argumentation, pour proposer, enfin, de nouvelles interprétations. Le plagieur rompt le fondement même de la science.
4 • Le plagieur vide le sens des oeuvres produites
Le collage d’idées produites pour des contextes différents, à plans d’analyses de niveau différents, avec des parties d’écrits produits sous des perspectives épistémologiques totalement indépendantes et des visées ontologiques distincts les uns des autres conduit à une incohérence globale pas toujours perceptibles des novices. Ainis se construit de la fausse connaissance.
5• Le plagieur fraude le système
Le plagieur multiplie à bon compte le nombre de publications figurant sur son curriculum vitae. Ce type de pratique introduit une grande iniquité en favorisant un tricheur au détriment de la personne honnête qui aura déclaré les écrits relevant de son seul mérite. Notons que l’autoplagiat, qui consiste à utiliser le même écrit pour démultiplier sciemment le nombre de ses publications sur un curriculum vitae, est aussi une fraude.
6 • Le plagiat est la porte ouverte à d’autres déviances associées
Le plagiat signe factuellement une forme de délinquance du savoir, et rompt la confiance en son auteur. Dès lors, les questions se posent et appelleront un jour ou l’autre des réponses. Nombre d’auteurs qui en plagient un autre procèdent ainsi avec de multiples auteurs. Ils peuvent travestir leurs citations, leurs pieds de page, leur bibliographie, frauder sur leurs données de terrain ou leurs résultats d’analyse… Le silence institutionnel, incidemment pratiqué, ne peut que favoriser l’enracinement d’un comportement qui peut devenir addictif et s’aggraver du fait des facilités offertes par le digital.
7 • Le plagiat produit suspicion et honte
En jetant l’opprobe sur ses mentors qui n'on pas su le cadrer ou sur ses condisiplines qui lui faisaient confiance, le plagieur génère l'inhibition de personnes honnêtes qui freineront leurs propres production académqiue. Le plagiat dévoilé publiquement ouvre aussi la porte à tous les extrémistes qui voudront infliger des souffrances aux plagieurs sans aucune mesure avec l’offense.
8 • Le plagieur porte atteinte à l’image de l’institution où il exerce
Lorsqu’il est révélé, le plagiat nuit également aux collaborateurs et aux étudiants de celle-ci. C’est toujours ce qui se passe lorsque les media se saisissent d’un cas. Mais, le plagieur porte aussi atteinte à l’image de l’institution. Ainsi, en est-il de doctorants authentifiés « producteurs de connaissance » par des jurys acceptant de leur délivrer une «thèse de complaisance ». Ces plagieurs dûment labellisés transportent ailleurs leur comportement fraudeur. Or, les marques de ce comportement de plagieur s’accentuent dès qu’il n’y a plus de cadrage institutionnel. Pour tous, elles seront alors le signe de l’Alma Mater qui aura délivré le titre.
9 • Le plagiat s’inscrit en faux dans le nouveau rôle des revues scientifiques
Le rôle social de la revue scientifique traditionnelle est surtout de qualifier les auteurs. Ces revues sont indispensables à l’ordre social fondé sur la distinction des chercheurs aptes (ou non) à être engagés par un type donné d’institution, ou encore à accéder à la direction de laboratoires. Le plagiat induit de nombreuses turbulences dans le processus linéaire de production de ces revues : elles sont soumises à de fortes contraintes lorsqu’il s’agit de retirer un article et elles cherchent à « gagner du temps » alors même que d’autres chercheurs auront utilisé des bases de données falsifiées, des résultats ou des écrits plagiés.
10 • Le plagiat induit des dommages collatéraux importants
Dans les établissements universitaires, la mise en examen du présumé plagieur appelle des commissions d’enquête longues et coûteuses. Nul ne chiffre aujourd’hui les salaires des avocats et des enquêteurs associés, le temps perdu par les directeurs de recherche et autres parties prenantes. Or, il n’y a aucune compensation pour les établissements ayant l’honnêteté de conduire de telles enquêtes. Cet argent est bien souvent prélevé sur les budgets de la recherche…