Dispositifs journalistiques 

Parution 23.11.2014 - Lettre 59

 

Voici un cas qui est exemplaire à plusieurs égards. 

• Ce que retiendront les lecteurs c'est la rapidité avec laquelle la Directrice de l'École de Journalisme de Sciences Po a été mise en congé de ses fonctions en attendant une enquête, dès les faits de plagiat dénoncés. Bruno Patino, le directeur de l’école a déclaré prendre très au sérieux les affaires de plagiat : " Le plagiat est une affaire sérieuse en matière de journalisme [...] L’école, qui enseigne la déontologie, ne peut prendre ce genre de chose à la légère. C’est pourquoi, après en avoir parlé avec Agnès, je vais demander une évaluation indépendante des faits reprochés à notre directrice exécutive [...]. "

• Le deuxième élément serait cette déclaration de l'intéressée : "J'oublie de citer certains papiers, mais jamais volontairement". S'agissant d'une docteure en histoire et spécialiste de l’histoire des médias, enseignante de surcroit, on ne peut qu'être ébahi. N'aurait-elle pas intériorisé les fondements de la déontologie académique ?

• Le troisième élément important est que les journalistes se prennent en main pour restaurer leur cadre déontologique. Gageons qu'ils seront plus réactifs pour mettre de l'ordre dans leur métier que les scientifiques que nous sommes.

• Mais le quatrième élément qui retiendra toute notre attention est la manière dont l'enquête a été conduite ici. Non seulement Vincent Coquaz a pris la peine de procéder comme nous l'avons toujours préconisé, soit de mettre en parallèle dans un tableau les parties de textes qui sont directement reliées par un mode de plagiat, mais il fait mieux.

La lecture de l'article montre que son auteur ne cherche pas à quantifier le comportement plagieur, mais à le qualifier. Il utilise 3 catégories :

1. La reprise de phrases entières, sans aucune mention de leur origine ?
2. Le média est cité, mais pas l'article ?
3. L'article est cité... mais un peu trop de copié/collé 

Rappelons que, lorsque nous devons qualifier les plagiats académiques nous avons, quant à nous, 4 rubriques (cf. Commission d'enquête,  5 - Qualifier le plagiat) :

1. Les reprises textuelles sans camouflage ?
2. Camouflage recourant à des techniques grossières ?
3. Camouflage recourant à des techniques sophistiquées sur la forme ?
4. Textes plagiés sur le fond selon des techniques sophistiquées 

 

La lecture de l'article suivant vous incite-t-elle à de nouvelles réflexions ? Merci de nous répondre directement par email.

 

ANALYSE DU TEXTE INTEGRAL


Accéder directement à l'enquête du 16/11/2014 par Vincent Coquaz 


LA DIRECTRICE DE L'ÉCOLE DE JOURNALISME DE SCIENCES PO, SERIAL COPIEUSE

 

Agnès Chauveau : "J'oublie de citer certains papiers, mais jamais volontairement"

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Mediapart, Le Monde, RFI... Epinglée par @si pour un copier/coller et une absence de citation d'une de nos enquêtes, la directrice exécutive de l'Ecole de Journalisme de Sciences Po, Agnès Chauveau pratique en fait de petits copier/coller... en série. Contactée par @si, la productrice à France Culture se défend de "toute malhonnêteté".

 

"Pas le temps de citer à l'antenne toutes mes sources". Voilà comment la directrice exécutive de l'Ecole de journalisme de Sciences Po Paris et productrice à France Culture, Agnès Chauveau, justifiait l'absence de mention de notre enquête sur la presse et les tablettes dans sa chronique pour l'émission Soft Power sur France Culture. Elle reprenait pourtant la structure de notre article ainsi que deux phrases mot pour mot. Surtout, le texte de la chronique, publié sur le Huff Post mercredi, ne comportait aucun lien vers @si. Un problème d'édition, nous assurait-elle. Depuis, le lien a été ajouté, comme elle nous l'avait promis.

Problème : selon un @sinaute vigilant, l'absence de citation et l'utilisation abusive du copier/coller ne semble pas être une "erreur" isolée. En cherchant rapidement, il trouvait... trois autres cas de copier/coller. Pour en avoir le coeur net, il suffit d'utiliser un outil de vérification de plagiat, "Plagiarism Checker", normalement destiné à optimiser son référencement en vérifiant que ses textes ne sont pas déjà publiés ailleurs (ce que Google n'apprécie pas vraiment). Evidemment, en testant le texte de chaque chronique, l'outil trouve d'abord comme source le Huffington Post, qui reprend chacun des scripts d'Agnès Chauveau quelques jours après le passage sur France Culture. Mais sur près de la moitié de ses 20 chroniques que nous avons testées, au moins une phrase (et le plus souvent deux ou trois) a été reprise telle quelle d'une source antérieure.

1. LA REPRISE DE PHRASES ENTIÈRES, SANS AUCUNE MENTION DE LEUR ORIGINE.

Cas le plus problématique : la reprise de phrases entières, sans aucune mention de leur origine. Dans un quart des vingts chroniques publiées, la source n'est pas mentionnée. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en cite aucune : dans ses chroniques, Agnès Chauveau renvoie toujours vers de très nombreux médias, y compris Arrêt sur Images, en citant ses journalistes et en plaçant des liens (comme ici). Mais dans ces mêmes papiers, lorsqu'elle reprend tout ou partie d'un paragraphe d'un autre média... aucune mention n'apparait.

Aucune trace du mot "Mediapart" ou de leur article dans cette chronique :

Aucune mention d'@si ou de notre enquête dans sa chronique sur la presse et les tablettes (le lien a été ajouté à la suite de notre premier article) :

Aucune mention d'@si ou de notre enquête dans sa chronique sur la presse et les tablettes (le lien a été ajouté à la suite de notre premier article) :

Idem pour l'article de RFI, dont la productrice de l'émission Soft Power s'est bien inspirée ici. Chauveau renvoie vers 11 papiers en tout, mais RFI n'est jamais cité :

2. LE MÉDIA EST CITÉ, MAIS PAS L'ARTICLE

Deuxième cas de figure, plus étonnant : la chroniqueuse cite parfois le média qu'elle reprend... mais pas l'article dont elle "s'inspire".

Un paragraphe entier du Monde est repris par Agnès Chauveau, quasiment au mot près. Aucun lien ne pointe vers ce papier (disponible ici), alors que deux autres du même quotidien sont cités :

3. L'ARTICLE EST CITÉ... MAIS UN PEU TROP COPIÉ/COLLÉ 

Enfin, dans un des papiers analysés, Agnès Chauveau met bien un lien vers l'article qu'elle utilise... mais copie/colle deux paragraphes pour sa chronique :

Contactée de nouveau Contactée à nouveau par @si, Agnès Chauveau se défend de "toute malhonnêteté", puisque le but même de sa chronique est de "renvoyer vers un maximum d'articles". "On est un peu entre la chronique et la revue de presse. J'oublie de citer certains papiers mais ce n'est jamais volontaire et je rectifierai chaque fois que ça pose problème", insiste-elle, notant qu'elle a ajouté des guillemets, un lien et la mention d'@si à son article sur les tablettes. Elle souligne enfin que ses contenus sont des "chroniques orales" destinées à la radio, et que leur transcription à l'écrit "pose parfois problème".